Grand projet - étape Interview

Travail individuel

Durée 1semaine
5ᵉ année

INTERVIEW - MARRAINE DE MÉMOIRE

PLAN

1-Présentation rapide du projet Pitch + Présentation gamification
2- Mme Marie-Pierre Daugé, qui êtes-vous? Curriculum vitae
3- Que pensez-vous du projet?
-Ma propre expérience
-Ma manière de travailler
-En quoi le projet correspond bien aux problèmes énoncés dans le mémoire et, plus encore, à la situation actuelle du secteur.

DISCUSSION

Rouge : Marie-Noémie Harribey
Bleu : Marie-Pierre Daugé (Marraine de mémoire)

Bonjour Marie-Pierre ! Merci d’avoir accepté que l’on se retrouve un petit moment pour échanger, mais également d’avoir accepté de me parrainer sur mon projet !
Je me présente à nouveau pour l’occasion de l’interview. Je m’appelle Marie-Noémie Harribey et je suis actuellement en dernière année à e-artsup Paris, où je suis un cursus en direction artistique, spécialisation Design interactif. J’ai passé ma soutenance de mémoire en décembre et je suis en ce moment en pleine préparation de mon grand projet de mémoire qui sera présenté en juin prochain. Ce grand projet de fin d’études doit poser les bases d’une solution au problème soulevé dans le mémoire. Je crois que c’est le même principe pour les élèves de l’école Boulle. Mon grand projet consiste en un jeu destiné au cadre scolaire. Je l’ai appelé The Mad House. S’appuyant sur la réalité augmentée, The Mad House est un jeu de plateau coopératif, essentiellement destiné aux collégiens. Ce projet instaure une nouvelle relation pédagogique d’apprentissage mutuel entre le personnel enseignant et l’élève. Un lien qui n’est plus régi par la peur de la note, mais par le respect et la compréhension, malgré le décalage culturel et générationnel. The Mad House fait redécouvrir aux élèves les matières imposées pour les rendre acteurs et maîtres de leur scolarité.
Je peux éventuellement te montrer une présentation donnant un-peu plus de détails si tu le souhaites.

[…]

Oui cela m’aide à y voir plus clair ! Je vais avoir pleins de questions à te poser !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, peux-tu, s’il-te-plaît, te présenter pour les personnes qui liront cet article ?
D’accord, bon, j’ai un parcours assez atypique. J’ai commencé par obtenir un Baccalauréat Mathématiques-Biologie en 76. Puis, je suis passé par deux prépas chez Penninghen et Olivier de Serres, par l’ENSET (École Normale Supérieure de l’Enseignement Technique) Cachan Dessin & Arts Appliqués. J’ai été professeure durant deux ans en lycée technologique à Charleville Mézières, et durant 10 ans à Estienne. Durant deux ans et demie, Directrice des Études dans un Institut privé. J’ai aussi effectué une mission dans une entreprise de packaging en Édition, une autre dans une agence de communication. Depuis 12 ans, j’enseigne à l’école Boulle, auprès des classes de 2de STD2A (Sciences et Technologies du Design et des Arts Appliqués), de Terminale FMA2 (Formation en Métiers d’Art) et DMA1 (bac+2) notamment. Je suis jury et participe à la préparation des sujets du Baccalauréat et de concours tels que le CAPET Design. Enfin, je suis tutrice pédagogique depuis 2017. Je dispose donc de contacts dans le domaine scolaire et dans celui du graphisme à destination des jeunes publics, mais également dans celui de l’édition, si besoin.

Maintenant que je me suis présentée dans le détails, je te pose mes questions.
-D’abord, comment est censé se dérouler le jeu ?

Les élèves sont placés autours des plateaux par groupes de 4 à 6 joueurs. Ils forment une équipe incarnant le même personnage de l’histoire. Ces derniers se réveillent retenus dans une étrange maison, sans savoir comment ils sont arrivés là, ni pourquoi ils ont été enlevés. Chaque personnage doit donc parvenir à se repérer dans une vieille maison. Puis découvrir qui les retient prisonniers et surtout trouver comment s’échapper aux termes de l’année scolaire.
-D’accord, donc chaque élève dispose d’une tablette équipée de réalité augmentée au travers de laquelle elle regarde le plateau de jeu. C’est bien ça? Et combien de temps durent les séances de jeu, où se passent-t’elles?
Alors, je pensais faire en sorte que l’Établissement n’ait à fournir qu’une tablette par équipe d’élève. Donc environ 5 ou 6 tablettes pour une classe de 30 élèves. Et ils se la passeraient de mains en mains, toutes les deux minutes. Parce que l’on m’a fait remarquer à juste titre durant ma soutenance, que tous les Établissements scolaires ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour se procurer autant de tablettes. Les séances de jeu dureraient 1heure, et seraient proposées par le professeur toutes les deux semaines. Ces séances collectives se dérouleraient au sein de l’école et avec le professeur.

Et quel rôle aura le professeur ?
Et bien il sera là pour jouer un-peu le rôle d’arbitre, de modérateur, et puis il pourra éventuellement décoincer les élèves s’ils bloquent à certaines énigmes du jeu. Ce sera l’occasion pour les élèves et le professeur, d’échanger autours de l’histoire, des questions. Et de découvrir qu’ils peuvent apprendre les uns des autres, quelle que soit la génération ou l’origine sociale. Les questions portent sur le programme scolaire, mais sont détournées puisqu’elles parlent aussi de cinéma et de culture adolescente.
Je trouve que c’est une super idée ! Et dans cette même thématique de « gamification » de l’école, je pense que tu devrai proposer aux Établissements qui le souhaitent, l’utilisation des smartphones des élèves, au lieu de tablettes. Donc de proposer une application responsive. L’idée que les élèves puissent franchir les interdits durant cette heure de jeu, pour mieux apprendre. Je pense aussi qu’il est important que chaque élève ait plutôt un avatar qui lui est propre, pour que le joueur s’investisse davantage dans l’évolution du personnage. Cette génération est beaucoup plus mobile que tablette il me semble. Une des clés de réussite que vous avez dans votre école, je pense, est d’être formés à l’utilisation interactive des outils digitaux et technologiques, très appréciés par les adolescents. Une sorte d’alliance entre le graphisme classique et les outils numériques.
Une possibilité de jouer individuellement depuis chez sois a aussi été pensée…Pour que l’élève puisse trouver des forces et des indices supplémentaires pour être mieux préparés durant les séances collectives.
Et donc ce que j’aime bien aussi dans ton projet, c’est aussi le fait que le professeur va pouvoir observer le joueur, et consulter ses résultats après le jeu, pour mieux comprendre sur quelles matières scolaires ou quel processus d’apprentissage il bloque. Il y a des termes que l’Éducation nationale adore en ce moment, ce sont « repérer les points forts » et « détecter les pistes de remédiation », notamment par ce qu’on appelle les neurosciences cognitives.

Et donc, que penses-tu du concept dans son intégralité ? Penses-tu qu’il pourrait être éventuellement vendu un jour à l’Éducation nationale ?
Il n’est pas si simple de « vendre » rapidement un concept à l’Éducation nationale. Tu l’as d’ailleurs dit dans ton mémoire, il faudra d’abord effectuer de nombreux tests en situation réelle avant de pouvoir parler de « vente ». Mais si j’ai accepté de devenir ta marraine, c’est parce que ton projet m’intéresse vraiment et que je pense qu’il est cohérent par rapport aux besoins du secteur de l’Éducation nationale. Ton mémoire a bien observé l’état actuel de l’éducation française et les besoins, le ressentit de chaque partie. Et ta solution est un bon moyen d’y répondre.
Je vais te parler de ma propre expérience en tant que professeure. Le Collège et le Lycée sont des périodes fatidiques au cours desquelles il faut choisir une filière. Mais contrairement à ce que l’on croit, on ne choisit pas sa filière par rapport à ce que l’on veut faire. Au contraire, l’on choisit la filière qui laisse le plus de choix. Je rencontre de plus en plus de parents d’élèves inquiets à l’idée que leur enfant doivent, dès la seconde, construire leur « projet professionnel » et que leur enfant n’ait encore aucune idée de ce qu’ils souhaitent faire. Je leur répond, qu’eux même n’avait aucune idée de ce qu’ils allaient faire de leur vie, lorsqu’ils étaient jeunes. Notre système actuel est très administratif et a pour habitude de ranger les gens dans des cases le plus tôt possible, mais avant ça, l’élève a vraiment besoin de s’entraîner pour construire son « parcours pro », de structurer son travail, de découvrir ses points forts et points faibles. En sortant de l’école, l’adolescent se retrouve trop souvent, sans savoir en quoi il est bon. Pas seulement en termes de matières scolaires, mais en terme de processus de travail (organisation, rédaction, argumentation orale par exemple…). Je pense que c’est en partie dû à ce que tu as bien appelé « massification » de la scolarité dans ton mémoire. On est passé de 25% à 85% d’adolescents atteignant le lycée, mais rien n’a changé en conséquences. Forcément les professeurs ont de moins en moins l’occasion de faire du cas par cas. L’école est semblable à une industrie : le monde a changé mais pas les rouages qui vont avec, eux, n’ont pas évolué. Ça ne peut pas marcher L’école est un passage obligé - une espèce de formatage - mais l’élève ne sait pas trop ce qu’il y fait, quelle est sa place dans tout ça.
C’est aussi pour ça que je pense que ta solution permettrait de créer une relation plus intéressante entre l’élève et le professeur, une compréhension mutuelle. Dans mes classes, je travaille dans ce sens avec mes élèves. Je les encourage régulièrement à se faire des « mindmaps », des schémas de pensée qui vont les aider à la fois, à s’organiser, comprendre, appréhender et mémoriser. Je leur fait travailler leur mémorisation visuelle et gestuelle par les schémas de pensée, la synesthésie et la kinesthésie. Les élèves ont souvent du mal avec la planification - penser plusieurs choses en même temps. Avec un système de brief de départ et de fiches préparées à chaque étapes d’un long projet concret, cela les aide à s’organiser et à comprendre sur quelles étapes ils sont le plus forts.

À propos des solutions qui sont proposées au sein de l’école, justement, je n’ai pas trouvé grand chose en termes de jeu
Effectivement, il n’y a, à ma connaissance, pas de jeu dans le milieu de l’éducation scolaire, c’est dommage ! Car cela permet des échanges mutuels naturels et le but n’est pas de leur apprendre des notions mais de leur donner envie de les apprendre - de les mettre en condition. De plus, il y a des choses pour lesquelles la nouvelle génération est douée, et que les professeurs, d’une autre génération ne comprennent pas. C’est effectivement une meilleure idée de faire jouer les élèves pour les évaluer, plutôt que les surcharger de devoirs dont ils ne comprennent bien souvent pas l’utilité.
De mon côté j’utilise une méthode de notation par critère d’appréhension et d’apprentissage mettant en valeur les points forts de l’élève. Je fais aussi des points réguliers avec eux sur le ressentit en classe. Je vais te raconter une anecdote. J’ai rencontré une élève qui a fait énormément de progrès depuis le début de l’année. Il faut savoir qu’elle venait à l’origine d’un lycée public en zone ZEP, ce qui ne colle pas beaucoup à la norme d’élèves que l’on reçoit habituellement chez Boulle. Au début de l’année, elle n’avait pas de bons résultats, semblait se décourager petit à petit, commençait à sécher. Je suis venue lui parler, pour essayer de comprendre ce qui n’allait pas. En réalité, elle ne réussissait pas car elle n’avait pas compris certaines choses. et elle n’osait pas venir poser des questions…Elle ne savait tout simplement pas qu’il était possible de dialoguer avec le personnel enseignant. Depuis, toute contente d’avoir reçu de l’aide et de l’attention, elle s’est remise à travailler avec le sourire et beaucoup d’entrain.

Merci beaucoup Marie-Pierre pour ton aide ! Est-ce que tu as quelque chose à rajouter avant que l’on termine ?
Je ne l’ai pas évoqué tout à l’heure, mais il me semble que le jeu sur tables de 4 à 6 est plus rassurant, tout comme les projets en groupe de manière générale d’ailleurs. Cela permet une mutualisation des réponses entre élève, une entraide, qui peut être étendue à l’ensemble de la classe - pas forcément directement avec le professeur. Cela a pour bénéfice d’évacuer la peur de se tromper, d’encourager l’élève à être à l’écoute de l’autre. C’est aussi quelque chose qui n’est pas assez stimulé à l’école.
Je pense que ta solution peut fonctionner et pourrait éventuellement intéresser l’Éducation nationale pour des premiers tests en établissements privés. Je peux te mettre en contact avec une personne en charge du pôle culture et technologie à l’Éducation nationale.



L'ensemble du projet (des recherches préalables sur le marché et les utilisateurs concernés, jusqu'au prototypage) a été réalisé en solo, avec l'aide de M. Maxime Letort (Développeur), Mme Marie-Pierre Daugé (Enseignante à l'école Boulle et Directrice artistique) et M. Benoît Lachamp (Directeur de l'école CERENE spécialisée dans les troubles d'apprentissage Dys).

Je les remercie infiniment pour leur aide précieuse !